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De la grande distribution à l'habillement en passant par le jouet, les principales fédérations du commerce français attaquent Shein en justice pour "concurrence déloyale", une action qualifiée de "tentative de boycott" par le géant asiatique de l'e-commerce, déjà dans le viseur du gouvernement.
Le modèle de Shein "repose sur le non-respect des réglementations applicables à tous les acteurs implantés en France", justifient dans un communiqué plusieurs organisations sectorielles.
Outre le Conseil du commerce de France (CDCF), s'associent à la démarche les organisations représentant la grande distribution (FCD), l'habillement et les industries textiles (Alliance du commerce, FFPAPF, Ufimh, UIT, Fédération de la maille, de la lingerie et du balnéaire), la bijouterie (BOCI, UBH), le jouet (FCJPE), la franchise (FFF) et la vente en ligne (Fevad).
Par cette action d'"une ampleur inédite", également rejointe par une centaine d'enseignes dont Coopérative U, Promod, Monoprix, Grain de Malice (vêtements) ou encore Besson (chaussures), fédérations et entreprises "affirment leur détermination à rétablir une concurrence loyale fondée sur le respect du droit".
"Elles réclament également la reconnaissance du préjudice économique subi" par les commerçants implantés en France et "l'octroi de dommages et intérêts proportionnés à ces pertes".
"Cette accusation est infondée", a réagi un porte-parole de Shein. "Il est regrettable que ces acteurs privilégient la confrontation judiciaire plutôt qu'un dialogue constructif".
- "Fermeture" ? -
"Cette initiative s'apparente davantage à une tentative de boycott qu'à une démarche juridique sérieuse", a-t-il ajouté.
Elle est portée devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), où ont déjà été assignées les "filiales irlandaises de Shein" pour "concurrence déloyale", dans le cadre de la liquidation judiciaire d'une marque locale de vêtements pour hommes, Olly Gan, a précisé lors d'une visioconférence Cédric Dubucq, l'avocat des fédérations et entreprises concernées.
Ces dernières "interviendront volontairement" lors d'une audience de procédure prévue le 12 janvier à Aix-en-Provence. Y sera fixé notamment le calendrier de la procédure, dans l'attente d'une audience de plaidoirie, potentiellement "d'ici 12 à 18 mois", selon Me Dubucq.
Le préjudice des entreprises lésées, en cours d'évaluation, pourrait atteindre "plusieurs centaines de millions voire plusieurs milliards d'euros", a-t-il estimé.
Et en cas de décision réclamant la "cessation" des comportements illicites de Shein, cela pourrait "conduire" à la "fermeture" de la plateforme, d'après l'avocat.
Il a également évoqué la possibilité, nouvellement permise par la loi, pour le procureur de la République, de requérir le paiement d'une "amende civile".
Le ministre du Commerce Serge Papin estime dans un communiqué que cette action collective est "une très bonne nouvelle. Elle prouve que la filière ne se laissera plus faire".
"L'économie française doit résister face à des modèles qui mettent en péril nos valeurs et notre sécurité", a abondé sur X le président du Medef Patrick Martin.
- "Première étape" -
Quid des autres plateformes de commerce en ligne ? "Le message que l'on envoie aujourd'hui c'est que l'impunité est terminée", a expliqué Yohann Petiot, le directeur général de l'Alliance du commerce, voyant dans l'assignation de Shein une "première étape".
De son côté, Shein a promis de "prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre" ses intérêts.
Le front commun du commerce tricolore intervient après plusieurs années "de dérives" de la part de Shein et autres plateformes extra-européennes, a rappelé à la presse le président de l'Alliance du commerce, Bernard Cherqui, invoquant "une menace systémique de disparition du commerce en France".
Shein a déjà écopé cette année en France de trois amendes d'un total de 191 millions d'euros pour non-respect de la législation sur les cookies, fausses promotions, informations trompeuses et non-déclaration de microfibres plastiques.
La plateforme de mode ultra-éphémère est sous le coup d'autres procédures judiciaires initiées par le gouvernement, depuis la révélation de la vente de poupées sexuelles ressemblant à des fillettes, puis d'armes de catégorie A.
L'audience en référé sur sa suspension en France se tiendra le 26 novembre au tribunal judiciaire de Paris.
Le même jour, la plateforme, fondée en 2012 en Chine mais désormais basée à Singapour, est convoquée devant la commission du Développement durable et de l'Aménagement du territoire de l'Assemblée nationale. Elle n'a pas confirmé sa venue, après avoir décliné un rendez-vous similaire mardi.
O.Holub--TPP