The Prague Post - Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets

EUR -
AED 4.314988
AFN 79.078808
ALL 96.88728
AMD 449.827938
ANG 2.103624
AOA 1077.424447
ARS 1732.750479
AUD 1.781825
AWG 1.652266
AZN 2.00207
BAM 1.954535
BBD 2.367268
BDT 143.037405
BGN 1.955677
BHD 0.443104
BIF 3507.929146
BMD 1.174944
BND 1.509423
BOB 8.121708
BRL 6.255291
BSD 1.175339
BTN 103.492005
BWP 15.656865
BYN 3.979824
BYR 23028.910258
BZD 2.36386
CAD 1.618373
CDF 3318.043413
CHF 0.934438
CLF 0.028619
CLP 1122.706838
CNY 8.357854
CNH 8.364277
COP 4562.685091
CRC 592.916176
CUC 1.174944
CUP 31.136027
CVE 110.193666
CZK 24.296093
DJF 208.811581
DKK 7.46434
DOP 72.872826
DZD 152.217057
EGP 56.594971
ERN 17.624166
ETB 168.693079
FJD 2.645157
FKP 0.867326
GBP 0.872026
GEL 3.176886
GGP 0.867326
GHS 14.422602
GIP 0.867326
GMD 86.946303
GNF 10195.400018
GTQ 9.003172
GYD 245.899771
HKD 9.135463
HNL 30.805058
HRK 7.532926
HTG 153.790444
HUF 390.46462
IDR 19564.645439
ILS 3.919855
IMP 0.867326
INR 103.504147
IQD 1539.80321
IRR 49421.103346
ISK 143.014686
JEP 0.867326
JMD 188.477989
JOD 0.833082
JPY 173.811922
KES 151.791519
KGS 102.749339
KHR 4723.941961
KMF 491.127171
KPW 1057.466483
KRW 1641.166791
KWD 0.358817
KYD 0.979466
KZT 636.268112
LAK 25447.418347
LBP 105252.317112
LKR 355.399932
LRD 209.804183
LSL 20.391699
LTL 3.469306
LVL 0.710713
LYD 6.338897
MAD 10.602636
MDL 19.499377
MGA 5196.613863
MKD 61.490194
MMK 2466.642867
MNT 4226.604663
MOP 9.413666
MRU 47.014565
MUR 53.284173
MVR 17.981042
MWK 2038.071983
MXN 21.611874
MYR 4.943037
MZN 75.083329
NAD 20.391699
NGN 1756.16634
NIO 43.252001
NOK 11.678471
NPR 165.586808
NZD 2.006007
OMR 0.451776
PAB 1.175334
PEN 4.09435
PGK 4.91282
PHP 67.011196
PKR 333.535486
PLN 4.264318
PYG 8369.581959
QAR 4.273534
RON 5.075177
RSD 117.154145
RUB 98.109955
RWF 1703.697113
SAR 4.406654
SBD 9.630854
SCR 16.848538
SDG 706.733376
SEK 11.060716
SGD 1.509128
SHP 0.923322
SLE 27.380513
SLL 24638.00092
SOS 671.665198
SRD 44.761274
STD 24318.976895
STN 24.48415
SVC 10.284342
SYP 15276.875855
SZL 20.393798
THB 37.384973
TJS 11.001232
TMT 4.112305
TND 3.419586
TOP 2.751842
TRY 48.623316
TTD 7.95485
TWD 35.520963
TZS 2907.987786
UAH 48.555867
UGX 4116.335294
USD 1.174944
UYU 46.949607
UZS 14473.63051
VES 192.036256
VND 30997.970657
VUV 139.666434
WST 3.13572
XAF 655.532642
XAG 0.027381
XAU 0.000319
XCD 3.175346
XCG 2.118229
XDR 0.814704
XOF 655.532642
XPF 119.331742
YER 281.340863
ZAR 20.360498
ZMK 10575.913753
ZMW 27.790891
ZWL 378.331618
  • AEX

    -3.3600

    929.94

    -0.36%

  • BEL20

    10.8100

    4709.11

    +0.23%

  • PX1

    -0.7900

    7853.59

    -0.01%

  • ISEQ

    -35.8800

    11176.65

    -0.32%

  • OSEBX

    -5.6100

    1645.65

    -0.34%

  • PSI20

    -21.6300

    7704.09

    -0.28%

  • ENTEC

    -5.8300

    1416.23

    -0.41%

  • BIOTK

    33.2300

    3494.96

    +0.96%

  • N150

    -13.5900

    3659.77

    -0.37%

Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets
Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets / Photo: Munir UZ ZAMAN - AFP/Archives

Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets

Mizan Hossain découpait une pièce en métal sur le pont supérieur d'un bateau sur la plage de Chittagong quand les vibrations l'ont déséquilibré, l'entraînant dans une chute de dix mètres.

Taille du texte:

C'était en novembre sur un chantier de démolition non conforme aux normes internationales, comme la plupart des sites de démantèlement de navires au Bangladesh où la majorité finissent leur parcours.

Tombé sans harnais, Mizan Hossain, 31 ans, a eu le dos broyé. "Je ne peux pas me lever le matin", raconte-t-il assis devant la modeste maison où il vit avec sa femme, ses trois enfants et ses parents.

Celui qui avait commencé gamin à découper des pans de bateaux sans protection ni assurance ne peut plus subvenir aux besoins des siens ni se soigner. "Pour être honnête, on mange un repas sur deux et je ne vois pas d'issue à ma situation", confie-t-il.

Depuis son village, en retrait de la plage au nord de Chittagong, les grues géantes des chantiers se dessinent à l'horizon. Ici, beaucoup d'hommes travaillent dans le secteur et partagent le même destin: peu avant la rencontre avec l'AFP en février, un des voisins de Mizan Hossain a eu les doigts de pied écrasés sur un autre chantier.

A Chittagong, ville portuaire du sud du Bangladesh, le secteur de la démolition et du recyclage des navires fait travailler 20.000 à 30.000 personnes, en comptant les emplois indirects. Au prix de trop nombreux dégâts humains et environnementaux.

Pour réguler cette industrie, l'une des plus dangereuses et polluantes, la convention internationale de Hong Kong sur le démantèlement des bateaux doit entrer en vigueur le 26 juin.

Les règles strictes qu'elle doit imposer sur la protection des ouvriers et le traitement des déchets toxiques suffiront-elles pour changer la donne ?

Les armateurs occidentaux ne risquent-ils pas d'en profiter pour envoyer leurs rebuts en Asie du Sud avec bonne conscience ? La majorité de leurs bateaux sont basés en Asie, centre névralgique du commerce maritime mondial.

- Sur le sable -

Ces dernières années, sur plus de 100.000 navires en circulation, environ 500 sont partis annuellement à la casse, certains vieux de plus de 80 ans.

Près d'un tiers des 409 démantelés dans le monde en 2024 ont fini à Chittagong, d'après la coalition d'ONG Shipbreaking Platform. Les autres ont en majorité terminé en Inde, au Pakistan, en Turquie.

Les chantiers bangladais offrent le meilleur prix pour le rachat des bateaux en fin de vie en raison d'un coût du travail dérisoire (salaire minimum mensuel de 115 euros).

Le long de la plage de 25 km, des carcasses géantes de pétroliers ou de méthaniers sont alignées dans la vase, sous un soleil de plomb, minutieusement démontées par des ouvriers au chalumeau-coupeur.

Dans les années 2000, "quand j'ai commencé, c'était extrêmement dangereux, les accidents étaient courants, les morts et les blessés réguliers", se rappelle Mohammad Ali, leader syndical, qui a longtemps œuvré sans protection à démembrer des blocs de bateaux qui s'écroulaient sur le sable.

Lui-même a été frappé à la tête par un morceau de métal, laissé des mois en incapacité. "Quand il y a un accident, vous êtes soit mort, soit handicapé", affirme l'homme de 48 ans.

Depuis 2009, au Bangladesh, en Inde et au Pakistan, 470 ouvriers sont morts, 512 gravement blessés sur de tels chantiers, selon Shipbreaking Platform.

Récemment, notamment depuis la ratification par Dacca de la convention de Hong Kong en 2023, il y a eu un mieux, relève Mohamed Ali Sahin, fondateur d'un centre d'assistance aux ouvriers du secteur.

Entre 2018 et 2022, il a recensé entre 10 et 20 morts par an à Chittagong, avec un pic à 22 en 2019. En 2023, cinq ouvriers sont morts dans des accidents du travail, sept en 2024, d'après son décompte - les autorités ne communiquent pas de bilans officiels.

"Je rencontre des ouvriers tous les jours et ils me disent que la sécurité s'est améliorée", dit-il.

Mais des progrès restent à faire tant dans ce domaine que dans l'environnement, admet-il.

Cette industrie est accusée d'avoir provoqué d'importants dégâts au Bangladesh, notamment sur la mangrove, avec le rejet en mer directement depuis la plage de boules d'hydrocarbures et le déversement dans des décharges à ciel ouvert d'amiante, matériau couramment utilisé dans les salles des machines.

D'après une étude parue en 2024 dans le Journal of Hazardous Materials, le démantèlement des bateaux est responsable de niveaux de pollution aux métalloïdes (silicium, arsenic...) anormalement élevés dans les sols, le riz et les légumes de la région.

- Millions d'euros -

Concrètement, les nouvelles règles prévoient de former les ouvriers, de les équiper (casques, harnais, combinaisons) et imposent un protocole précis pour la décontamination des navires (amiante, gaz, eau de cale contaminée...). Chaque chantier doit posséder des infrastructures pour stocker les déchets dangereux.

A Chittagong, sur une trentaine de chantiers en activité, seuls sept répondent aux nouveaux critères.

Parmi eux, PHP, le plus moderne avec ses quelque 250 ouvriers.

Son patron, Mohammed Zahirul Islam, accueille avec bonhomie sur le site où l'odeur de métal brûlé contraste avec les parterres de fleurs.

Un méthanier japonais de 8.000 tonnes, le Surya Aki, y est démantelé, la proue reposant sur une plateforme de cale fixe et sèche en béton coulé au bord du rivage, surplombée de grues modernes.

Des ouvriers casqués découpent la ferraille au chalumeau, une visière en plastique sur le visage qui les protège des éclats de métal - mais pas d'en respirer les fibres.

Les critiques des ONG sur les conditions de travail et la pollution au Bangladesh agacent Mohammed Zahirul Islam: "Simplement parce que nous sommes d'Asie du Sud, avec la peau foncée, nous ne sommes pas capables d'exceller dans un domaine ?"

"Les bateaux sont fabriqués dans les pays développés (...) Ensuite, ils sont utilisés par les Européens, les Occidentaux pendant 20 ou 30 ans et nous on les récupère (à la fin) pour quatre mois. Mais tout est de notre faute ! Il devrait y avoir une responsabilité partagée", s'indigne le volubile quarantenaire.

Mettre un chantier aux normes coûte des millions d'euros - près de neuf pour moderniser PHP.

Mais les investisseurs nationaux et étrangers sont frileux, relève John Alonso de l'Organisation maritime internationale (OMI).

Le secteur est en crise, avec deux fois moins de bateaux envoyés à la casse qu'avant le Covid, et le pays en proie à l'instabilité depuis que l'ex-Première ministre Sheikh Hasina a été chassée du pouvoir par des manifestations en août.

- Amiante solidifiée -

En attendant, à Chittagong, il n'y a toujours pas d'usine de traitement et de stockage des matières dangereuses présentes dans les bateaux (amiante, plomb, gaz, hydrocarbures).

A PHP, l'amiante est retirée puis stockée sur place. Liton Mamudzer, expert en matières dangereuses pour le chantier, montre les cartons d'amiante solidifiée avec du ciment entreposés dans une salle dédiée. "Je pense qu'on a à peu près six à sept ans de capacité de stockage devant nous", anticipe-t-il grossièrement.

Une affirmation qui laisse sceptiques des ONG spécialisées comme Shipbreaking Platform ou Robin des Bois: certains bateaux contiennent des dizaines de tonnes d'amiante à bord.

Quand aux contrôles laissés à la charge des autorités de chaque pays et au maintien des standards une fois la certification obtenue, ils sont questionnés par Walton Pantland de la confédération de syndicats IndustriALL.

En septembre, un accident sur le chantier SN Corporation, pourtant déclaré conforme à la convention de Hong Kong, a coûté la vie à six ouvriers qui découpaient de la tuyauterie avec des chalumeaux à oxygène. Comme souvent la présence de gaz a provoqué une explosion.

C'est symptomatique du "manque de réglementations internationales et nationales adéquates, de supervision et de protection des travailleurs" au Bangladesh malgré la convention de Hong Kong, a alors réagi Shipbreaking Platform.

- A bon prix -

Pour la directrice de cette ONG, Ingvild Jenssen, "la convention de l'OMI est une tentative de plusieurs armateurs de se débarrasser de la convention de Bâle" qui interdit aux Etats membres de l'OCDE d'exporter leurs déchets toxiques vers les pays en développement.

Il s'agit, d'après elle, de leur permettre de se défaire de leurs navires toxiques à bon prix dans des chantiers d'Asie du Sud sans craindre de poursuites, en utilisant si nécessaire un pavillon de complaisance ou un intermédiaire.

En Europe, les chantiers doivent être certifiés selon les règles de la Ship Recycling Regulation (SRR), plus contraignante que la convention de Hong Kong. Les armateurs ont l'obligation d'y faire dépecer les bateaux basés sur le continent ou battant pavillon européen.

En bordure du canal de Gand-Terneuzen en Belgique, le directeur de la démolition navale du chantier Galloo, Peter Wyntin, balaye du regard son site surplombé de montagnes de ferraille.

Un ancien patrouilleur de la marine irlandaise s'y fait désosser en ce début mai. Ici, tout est mécanisé, avec système d'égout et tri des déchets. Seuls cinq à six ouvriers travaillent à la démolition des bateaux, avec casque, visière et masque pour filtrer l'air empli de particules de métal. Une éolienne fournit l'électricité.

Galloo a investi une dizaine de millions d'euros juste pour le traitement des eaux, à base de charbon actif et de bactéries biologiques, au gré du relèvement des normes année après année.

"Nous, si on a un mort, on a l'inspection du travail qui débarque aussitôt et on est bons pour mettre la clef sous la porte."

- "25.000 pages" -

Peter Wyntin voit d'un mauvais œil l'entrée en vigueur de la convention de Hong Kong alors que les chantiers de démolition européens (6% du total en 2024) peinent à survivre.

Déjà, la certification de chantiers turcs, à Aliaga, a fait perdre une part conséquente de son activité aux entreprises de l'UE.

"Le document, pour être conforme à la SRR pour les pays tiers, il doit faire 25 pages, pas plus. Nous, en tant que chantier agréé dans l'UE, on a peut-être 25.000 pages de législation" à respecter, critique-t-il.

"On peut agréer des chantiers en Turquie, en Asie, mais ça reste toujours du +beaching+. Et le +beaching+, c'est une activité qu'on n'accepterait jamais ici en Europe", peste-t-il. Le "beaching" désigne une technique utilisée par les chantiers d'Asie du Sud pour démonter les navires à même la plage.

En avril, le chantier Galloo a ainsi vu rafler par un chantier turc un ferry de 13.000 tonnes, le Moby Drea basé à Gènes en Italie, qu'il convoitait pour le recycler.

"Les chantiers approuvés par l'UE en Turquie aspirent pour des raisons économiques beaucoup de navires battant un pavillon européen", confirme Jacky Bonnemains, fondateur de Robin des bois.

- Décharges sauvages -

Et pourtant. L'Observatoire de la santé et de la sécurité au travail turc a recensé huit décès depuis 2020 dans les chantiers d'Aliaga, spécialisés dans le démantèlement des bateaux de croisière.

En mai, la municipalité d'Aliaga a dit constater que "les déchets dangereux étaient stockés d'une manière nocive pour l'environnement et que, dans certaines zones, ils étaient recouverts de terre".

"On estime que 15.000 tonnes de déchets dangereux sont dispersées dans la région d'une manière qui met en danger la santé humaine et environnementale en raison de méthodes de stockage sauvages", a-t-elle posté sur son compte X avec des photos de décharges sauvages.

Au Bangladesh, "des matières toxiques provenant des navires, dont de l'amiante, sont (...) dans certains cas revendues sur le marché de l'occasion", relevaient dans un rapport de 2023 Shipbreaking Platform et Human Rights Watch.

Sur la route qui longe la plage de Chittagong, tout se recycle. Les magasins débordent de mobilier, toilettes, générateurs, escaliers... directement tirés des carcasses démantelées à quelques mètres de là.

Pendant ce temps, Rekha Akter, 24 ans et deux petits orphelins, pleure son mari mort les voies respiratoires brûlées dans l'explosion de septembre sur le chantier de SN Corporation où il était responsable de la sécurité.

C.Sramek--TPP