The Prague Post - En Sierra Leone, le cri de désespoir des îles englouties par l'océan

EUR -
AED 4.257524
AFN 77.018927
ALL 96.836955
AMD 443.507455
ANG 2.075125
AOA 1063.078012
ARS 1634.189723
AUD 1.774977
AWG 2.095434
AZN 1.967911
BAM 1.95857
BBD 2.334001
BDT 141.49951
BGN 1.955362
BHD 0.437111
BIF 3416.33166
BMD 1.1593
BND 1.508834
BOB 8.007325
BRL 6.111942
BSD 1.158839
BTN 102.584083
BWP 15.486903
BYN 3.951188
BYR 22722.271722
BZD 2.330696
CAD 1.623518
CDF 2906.946294
CHF 0.927289
CLF 0.027675
CLP 1085.672725
CNY 8.253807
CNH 8.254225
COP 4357.401357
CRC 582.123287
CUC 1.1593
CUP 30.721439
CVE 110.42069
CZK 24.251037
DJF 206.030145
DKK 7.467796
DOP 74.525078
DZD 151.120507
EGP 54.705723
ERN 17.389494
ETB 178.057323
FJD 2.640247
FKP 0.881243
GBP 0.879873
GEL 3.13591
GGP 0.881243
GHS 12.688946
GIP 0.881243
GMD 85.13871
GNF 10059.183147
GTQ 8.882562
GYD 242.41284
HKD 9.010013
HNL 30.486986
HRK 7.533118
HTG 151.654482
HUF 384.76801
IDR 19349.75332
ILS 3.734689
IMP 0.881243
INR 102.534134
IQD 1518.040391
IRR 48821.001633
ISK 146.604739
JEP 0.881243
JMD 185.992243
JOD 0.82191
JPY 178.620216
KES 149.838995
KGS 101.380758
KHR 4658.588562
KMF 488.065385
KPW 1043.344606
KRW 1693.794454
KWD 0.355924
KYD 0.965766
KZT 608.28028
LAK 25159.582769
LBP 103775.167451
LKR 352.608688
LRD 212.069927
LSL 19.886525
LTL 3.42311
LVL 0.701249
LYD 6.323917
MAD 10.752961
MDL 19.665813
MGA 5202.357606
MKD 61.617144
MMK 2434.004427
MNT 4151.352349
MOP 9.278522
MRU 45.982834
MUR 53.200033
MVR 17.858986
MWK 2009.441919
MXN 21.244106
MYR 4.798393
MZN 74.137567
NAD 19.886439
NGN 1667.025985
NIO 42.65032
NOK 11.643367
NPR 164.134132
NZD 2.048291
OMR 0.445756
PAB 1.158839
PEN 3.902419
PGK 4.970008
PHP 68.358131
PKR 327.682736
PLN 4.229035
PYG 8178.531484
QAR 4.235872
RON 5.083647
RSD 117.195924
RUB 93.848113
RWF 1683.781343
SAR 4.347705
SBD 9.549582
SCR 17.484938
SDG 696.157566
SEK 10.950715
SGD 1.507924
SHP 0.869775
SLE 26.895663
SLL 24309.931948
SOS 662.23659
SRD 44.718849
STD 23995.160641
STN 24.534699
SVC 10.140298
SYP 12818.020045
SZL 19.879115
THB 37.598423
TJS 10.696227
TMT 4.057549
TND 3.420337
TOP 2.7152
TRY 48.952868
TTD 7.858114
TWD 35.946977
TZS 2843.876617
UAH 48.671525
UGX 4125.835098
USD 1.1593
UYU 46.115021
UZS 13894.590957
VES 267.570862
VND 30506.968386
VUV 141.892689
WST 3.272969
XAF 656.886023
XAG 0.022765
XAU 0.000282
XCD 3.133065
XCG 2.088554
XDR 0.817715
XOF 656.883186
XPF 119.331742
YER 276.499399
ZAR 19.869214
ZMK 10435.087694
ZMW 26.102917
ZWL 373.293991
  • AEX

    9.5100

    970.59

    +0.99%

  • BEL20

    68.6200

    5041.35

    +1.38%

  • PX1

    100.6900

    8156.23

    +1.25%

  • ISEQ

    185.6500

    12480.17

    +1.51%

  • OSEBX

    9.8000

    1616.91

    +0.61%

  • PSI20

    -119.7300

    8194.68

    -1.44%

  • ENTEC

    -5.8300

    1416.23

    -0.41%

  • BIOTK

    64.0300

    4221.54

    +1.54%

  • N150

    29.0100

    3701.24

    +0.79%

En Sierra Leone, le cri de désespoir des îles englouties par l'océan
En Sierra Leone, le cri de désespoir des îles englouties par l'océan / Photo: PATRICK MEINHARDT - AFP

En Sierra Leone, le cri de désespoir des îles englouties par l'océan

De l'eau jusqu'aux genoux, Hassan Kargbo montre l'immensité de l'océan devant lui, au large de la Sierra Leone: "Ici, c'était ma maison et là le terrain de foot et tellement d'autres habitations... L'océan a tout détruit", lâche-t-il. En à peine cinq ans, ce pêcheur a tout perdu de sa vie passée, engloutie par le réchauffement climatique qui menace des millions de personnes dans le pays.

Taille du texte:

"Je ne crois pas du tout que Nyangai va survivre", lance M. Kargbo, 35 ans, contemplant avec résignation ce qui reste de son île. "L'île est engloutie, morceaux par morceaux..."

Nyangai, dans l'archipel des Tortues, est inéluctablement en train de disparaître face à la montée des eaux, qui frappe de plein fouet ses habitants exténués. Considérés comme les premiers déplacés climatiques de Sierra Leone, ils ont déjà plusieurs fois perdu leurs biens et déménagé à l'intérieur de l'île.

Une équipe de l'AFP a pu se rendre dans plusieurs îles de cet archipel des Tortues pour constater les ravages de la montée des eaux.

A sept heures de pirogue et de mer agitée de Freetown, la capitale sierra-léonaise, ce qui demeure de l'île en sursis de Nyangai apparaît finalement, cernée par l'océan et des colonies de pélicans.

Le paysage de plage de sable blanc et mer turquoise semble paradisiaque.

Mais il porte aussi en lui la désolation: palmiers arrachés jusqu'aux racines par la force du vent et des vagues, branchages et débris jonchant la plage, sacs de sable servant de dérisoires remparts, meubles abandonnés par des déplacés.

En moins de 10 ans, la surface de l'île a été divisée par trois et ne mesure plus qu'environ 200 mètres de long sur 100 mètres de large. Depuis trois ans, la majeure partie a été submergée.

Vu du ciel, l'inexorable engloutissement est édifiant: il ne reste qu'un îlot entouré de pirogues de pêcheurs, où des cabanes faites de tôles et de chaume sont agglutinées.

- "Vulnérable" -

Des centaines de personnes ont dû quitter l'île ces dernières années à cause des inondations.

Il y a dix ans, Nyangai comptait encore un millier d'habitants. Les chefs communautaires estiment à moins de 300 aujourd'hui le nombre d'habitants qui s'entassent sur ce qu'il reste de l'île.

Plus de deux millions de personnes vivant le long des côtes de Sierra Leone sont menacées par la montée du niveau des océans, selon une étude menée en juin 2024 par l'Agence nationale sierra-léonaise de gestion des catastrophes (NDMA) et l'Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), principal organisme international de surveillance des déplacements internes.

Ce pays d'Afrique de l'Ouest aux huit millions d'habitants est l'un des plus menacés au monde par le réchauffement, et sa zone côtière "est très vulnérable", souligne cette étude, qui pointe aussi un appauvrissement des populations, dont la sécurité alimentaire et la santé se sont dégradées avec la promiscuité grandissante.

A Nyangai, l'eau potable fait défaut à cause de la salinité des sols. Des dizaines de jeunes enfants désoeuvrés sillonnent l'île ou jouent sur la plage.

"Cette île était très grande, elle allait jusque là-bas", se lamente Amidou Bureh, 60 ans, pêcheur et chef communautaire à Nyangai, en montrant l'océan depuis la plage. "On avait beaucoup de manguiers, de cocotiers, on avait une forêt, mais ces dernières années l'océan a tout détruit..."

"L'eau avance et nous détruit, nous et nos biens! Cela devient très difficile de vivre ici, on souffre beaucoup, nous avons besoin d'aide!", crie-t-il soudain à pleins poumons, déplorant que les visites d'officiels et d'organisations internationales n'aient pas apporté d'aide concrète, à part recommander aux habitants de partir ailleurs.

Par deux fois, Hassan Kargbo et sa famille ont tout perdu et dû reconstruire leur maison à Nyangai. Mais la mer menace à nouveau. "Je ne gagne pas beaucoup avec mon métier de pêcheur, et cela m'a coûté beaucoup trop d'argent d'acheter du bois et de la tôle ondulée à chaque fois que j'ai dû construire une nouvelle maison. Vivre sur cette île, c'est très stressant... je ne veux plus continuer comme cela", dit-il.

Alors, il a pris sa décision, et se prépare à déménager sur l'île de Sei, où le relief est moins plat.

- "Une catastrophe" -

Un matin à Nyangai, l'habitation de Mohamed Kamara, 19 ans, en première ligne sur la plage, a encore subi les assauts du climat lors d'une nuit de vents, pluies violentes et vagues submergeant la plage constatée par l'équipe de l'AFP.

Les cabanes autour de sa maison sont presque toute éventrées, les trous comblés avec des bâches et des planches. Des aliments et instruments de cuisine sont posés en hauteur sur les avancées des toits pour éviter d'être emportés.

Dans la petite cour de la famille de M. Kamara, au sol de sable détrempé, plusieurs femmes s'affairent à ranger le désordre de la nuit: bassines renversées, vêtements détrempés, objets en plastique cassés, morceaux de filets de pêche.

Fin février, des arbres arrachés par la tempête sont même tombés, sans faire de blessés. "On a perdu tellement de choses, de biens, d'argent; on a fait appeler une équipe d'urgence à Freetown mais personne n'est venu... alors on a fait de notre mieux pour nous sauver nous-mêmes", lâche le jeune père de famille.

Après sept ans de lutte contre l'océan, Mohamed Kamara et sa famille sont épuisés. Ils ont décidé de partir "cette année", vers la capitale ou une autre grande ville. "On a trop souvent souffert ici", confie-t-il.

"Ce qui est en train de se passer dans ces îles est une catastrophe, et c'est bien au-delà de l'urgence", souligne dans un entretien à l'AFP le ministre sierra-léonais de l'Environnement et du Changement climatique Jiwoh Abdulai. "C'est très douloureux parce que nos concitoyens sont en première ligne et gravement touchés par quelque chose dont ils ne sont en aucun cas responsables".

A plusieurs heures de pirogue de Nyangai, l'érosion des côtes de Plantain, une autre île de l'archipel des Tortues déjà en grande partie emportée par l'océan, est impressionnante.

Le 23 juillet 2023, la montée des eaux a failli provoquer une tragédie: tôt ce matin-là, la mer et les vagues ont littéralement emporté une partie du bâtiment abritant l'école, située en bordure de plage et où les enfants étudiaient la veille.

L'école est toujours dangereusement perchée sur la berge ravagée. Des classes ont été condamnées mais les 355 élèves ont encore cours dans ce bâtiment.

"Nous n'avons pas d'autre option pour les enfants", raconte avec beaucoup d'émotion Ousmane Kamara, directeur de l'école et également imam dans l'île.

- Survie -

Se tenant sur la berge effondrée, il montre à l'horizon un petit îlot bordé par l'océan: jusqu'à un passé récent, les deux îles n'en formait qu'une.

"Ici, il y avait plus de 300 maisons avant, mais tout a été emporté", renchérit Moussa Kanu, chef communautaire, en montrant l'océan séparant désormais les deux îlots.

"Notre communauté se bat avec courage pour sa survie!", crie presque le directeur.

Face à lui, une forme noyée par l'eau surnage: le sommet du minaret de l'ancienne mosquée, elle aussi submergée.

Le bâtiment investi comme nouvelle mosquée juste à côté sur la plage est remblayé régulièrement de blocs de pierres et de bois pour prévenir son grignotage - des efforts bien dérisoires face aux assauts de l'océan.

"Tous les jours, on se demande si la mosquée ne va pas s'effondrer sur nous", souffle M. Kamara.

Plantain, qui hébergeait des milliers de personnes, a perdu de la terre et des habitants depuis des décennies à cause de la montée des eaux.

L'île a été un carrefour pour le commerce, l'agriculture, la pêche et le transport maritime, ainsi qu'un lieu touristique, notamment pour la visite de ruines témoignant de la traite des esclaves.

Mais les écoles, marchés et maisons ont été peu à peu submergés.

Ceux qui n'ont pu partir faute d'argent ont dû se replier à l'intérieur de l'île et y sont aujourd'hui à nouveau menacés. Mais nombre d'habitants continuent d'espérer que le gouvernement trouvera une solution pour sauver leur île et leur histoire.

"Beaucoup d'îles sont gravement menacées" par la montée des eaux à travers le pays, souligne l'expert environnemental sierra-léonais Joseph Rahall, fondateur de l'ONG Green Scenery. Il ne donne "pas plus de dix à quinze ans" à l'archipel des Tortues "pour disparaître complètement".

- Disparition d'une culture -

Cette crise climatique engendre aussi des conséquences sociales et culturelles dramatiques pour la Sierra Leone.

"Ces pêcheurs qui vont être relocalisés ne pourront peut-être plus exercer leur activité, ils ne transmettront plus cette culture de la mer", regrette M. Rahall. "Le changement climatique n'affecte pas seulement les gens, leurs vies, l'économie, mais aussi les traditions, la culture, la manière de faire du commerce: tout disparaît".

Pour le ministre de l'Environnement, il est clair que "ces populations ont besoin d'aide". "Nous devons évacuer ces populations de ces îles et nous essayons de mobiliser des ressources pour le faire", martèle-t-il.

Mais il pointe le défi financier que représente cette relocalisation dans un pays déjà très fragile au niveau économique et sanitaire, où le changement climatique a aussi "un effet dévastateur sur le budget" de l’État.

Nombre d'habitants de Nyangai et Plantain ont dit à l'AFP se sentir "abandonnés" par les autorités face à l'inéluctable, loin au milieu de l'océan.

"Nous n'avons reçu aucune aide financière pour déménager", déplore ainsi Hassan Kargbo.

L'appel mélodieux du muezzin pour la prière de fin d'après-midi résonne sur la petite île de Nyangai.

Amidou Bureh contemple l'océan qui engloutit sa vie.

"Je suis né à Nyangai, j'ai grandi ici, c'est le seul endroit que je connaisse", confie-t-il. "On a peur que l'océan nous détruise, mais moi, je n'ai l'intention d'aller nulle part ailleurs, parce qu'ici c'est chez moi."

P.Svatek--TPP