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La France et le Royaume-Uni vont encore renforcer d'un cran jeudi leur alliance militaire, en particulier sur le volet nucléaire, et afficher leur détermination à défendre leurs alliés européens, dont l'Ukraine, à l'occasion de la visite d'Etat d'Emmanuel Macron.
Un sommet bilatéral franco-britannique, présidé par le président français et le Premier ministre Keir Starmer, se tiendra à Downing Street dans la matinée, avant que les deux dirigeants ne se rendent à Northwood, principal centre de commandement des opérations militaires britanniques.
Les deux dirigeants vont acter un rapprochement d'ampleur en matière de dissuasion nucléaire, en signant une déclaration stipulant que leurs moyens respectifs pourront "être coordonnés", ont indiqué le ministère britannique de la Défense et l'Elysée.
Cette affirmation va bien plus loin que le principe en vigueur depuis la déclaration conjointe dite de "Chequers" il y a 30 ans. Celle-ci stipulait le principe "d'intérêts vitaux" partagés mais sans évoquer clairement la mobilisation d'une réponse nucléaire en cas de menace.
Et "un groupe de supervision nucléaire" sera créé, coprésidé par l'Elysée et le Cabinet Office britannique.
- "Etape supplémentaire" -
"C'est vraiment une étape supplémentaire avec un degré de coordination inédit au niveau militaire et politique", souligne auprès de l'AFP Heloïse Fayet, chercheuse sur les questions nucléaires à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Elle note que cette évolution reste "en cohérence avec la doctrine nucléaire française, donc la fameuse dimension européenne des intérêts vitaux français" comme avec la doctrine britannique "qui elle s'inscrit traditionnellement dans le cadre de l'Otan" et d'une collaboration avec les Etats-Unis.
Par ailleurs, les deux Etats stipulent "qu'il n'existe aucune menace extrême sur l'Europe qui ne susciterait une réponse des deux pays", sans préciser la nature de cette réponse.
Un message clair en destination de Moscou, quand plusieurs pays de l'est de l'Europe craignent de possibles velléités expansionnistes russes.
L'UE et le Royaume-Uni étaient "plus forts" ensemble, a d'ailleurs affirmé mercredi soir le président français Emmanuel Macron lors d'un discours à la City de Londres.
Outre le volet nucléaire, Keir Starmer et Emmanuel Macron doivent aussi annoncer une accélération du programme conjoint de missiles de croisière Scalp/Storm Shadow, avec de nouvelles commandes à la clé pour le groupe MBDA, ainsi qu'une nouvelle phase du projet de futurs missiles de croisière et de missiles antinavires, dont le développement s'était quelque peu enlisé.
Les accords de Lancaster House qui encadrent la coopération militaire bilatérale depuis 2010 avaient entériné la création d'une force expéditionnaire conjointe franco-britannique.
- Soutien à l'Ukraine -
Elle aura désormais vocation à constituer le "socle" de la "coalition des volontaires" que Paris et Londres ont lancée début 2025, et qui réunit une trentaine de pays engagés dans le renforcement des capacités de défense de l'Ukraine et dans la garantie d'un futur cessez-le-feu entre Kiev et Moscou.
Cette force, qui a vocation à être déployée en Ukraine une fois un cessez-le-feu en place, mobilisera davantage de troupes - jusqu'à un corps d'armée, soit 40.000 hommes - et pourra s'élargir à d'autres partenaires que la France et l'Allemagne, selon l'Elysée.
Les deux dirigeants vont d'ailleurs présider depuis Northwood une réunion en visioconférence de cette "coalition des volontaires", avec notamment le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la Première ministre italienne Giorgia Meloni, ou le chancelier allemand Friedrich Merz.
Selon l'Elysée, des représentants américains devraient également y assister, alors que Donald Trump a durci le ton contre la Russie qu'il menace de nouvelles sanctions tout en promettant du matériel militaire supplémentaire aux Ukrainiens.
Au-delà de la défense, Keir Starmer et Emmanuel Macron sont aussi attendus jeudi sur l'immigration, sujet hautement important pour le gouvernement travailliste, qui fait face à des arrivées records de migrants en bateau par la Manche depuis le début de l'année.
Lors d'un entretien mercredi à Downing Street, les deux dirigeants se sont engagés à réaliser des "progrès concrets".
Ce dossier épineux est régulièrement source de tension entre Paris et Londres, la France affirmant que les possibilités de travailler sans papiers au Royaume-Uni rendent le pays particulièrement attractif auprès des migrants.
De son côté, le Royaume-Uni voudrait que son voisin en fasse plus pour empêcher les départs de bateaux de ses côtes, alors qu'il a versé plus de 750 millions d'euros depuis 2018 pour financer les forces de l'ordre françaises.
T.Kolar--TPP