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Le référendum constitutionnel prévu dimanche en Guinée est une "mascarade" dont les résultats sont "connus d'avance", dénonce l'ex-Premier ministre et opposant Cellou Dalein Diallo dans un entretien à l'AFP, accusant la junte de vouloir se maintenir au pouvoir.
Le général Mamadi Doumbouya, qui dirige le pays depuis le coup d'Etat de 2021, s'était engagé à rendre le pouvoir aux civils à l'issue d'une transition qui doit s'achever avec une élection présidentielle prévue en décembre.
Mais le projet de Constitution soumis au référendum n'interdit pas au président de se présenter à la magistrature suprême, et M. Diallo, dont l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) a été suspendue fin août avec d'autres partis d'opposition, ne se fait guère d'illusion.
Mamadi Doumbouya "s'est finalement résolu à renoncer à ses engagements et à vouloir garder le pouvoir pour longtemps (...), sans doute à vie", assène avec amertume cet opposant, en exil entre Dakar et Abidjan depuis qu'il a été mis en cause par la junte dans une affaire de corruption en 2022.
Comme une bonne partie de l'opposition guinéenne, il appelle à boycotter un vote dont les résultats sont selon lui "connus d'avance".
"Les conditions d'un scrutin juste et équitable ne sont pas réunies", explique-t-il d'un ton posé, dans un élégant costume sombre. "C'est lui (Mamadi Doumbouya) qui organise le référendum, à travers le ministère de l'Administration dirigé par un général, et qui va être appuyé par des préfets, qui sont tous des militaires ou des policiers (...), et des présidents de délégation spéciale, puisqu'ils ont dissous les conseils communaux élus", dit-il encore.
"Les voix contraires ne seront pas entendues, ni comptées lors du scrutin", de même qu'"il n'y a plus de place pour le débat, ni pour la critique" dans le pays, regrette le candidat malheureux aux présidentielles de 2010, 2015 et 2020.
- Accusations de corruption -
Dénonçant une "folie liberticide", Cellou Dalein Diallo assure que depuis l'arrivée au pouvoir des militaires, "enlèvements", "disparitions forcées", "arrestations d'opposants" et "morts suspectes en détention" se sont multipliés.
Plusieurs activistes de la société civile et des acteurs politiques ont en effet disparu ces derniers mois après avoir été arrêtés, dont Oumar Sylla, dit Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, deux responsables du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui réclame le retour des civils au pouvoir.
Les manifestations sont interdites dans le pays depuis 2022 et leur répression a fait une cinquantaine de morts, selon des défenseurs des droits humains, tandis que plusieurs médias ont été suspendus ces derniers mois.
L'opposant dit aujourd'hui partager le même objectif - "le retour à l'ordre constitutionnel" - que l'ex-président déchu Alpha Condé, dont le parti a également été suspendu, bien qu'il fut l'un de ses plus ardents détracteurs par le passé.
"Alpha (Condé) n'a pas la réputation d'avoir mené une gouvernance vertueuse en matière de droits de l'homme et de libertés publiques, mais ça n'a pas atteint le niveau que l'on vit aujourd'hui", dit-il.
Un constat qui vaut également en matière de corruption, alors que le pays côtier, aux sous-sols riches en minerais, a vu ses exportations de bauxite multipliées par 10 en 10 ans (200 millions de tonnes prévues en 2025, contre 20 en 2015), selon M. Diallo.
"C'est beaucoup", dit-il. "Malheureusement, ces ressources ne sont utilisées que pour s'enrichir personnellement, pour intimider et neutraliser tous ceux qui sont tentés de les dénoncer, ou pour acheter les consciences des leaders d'opinion - politiques, industriels ou chefs religieux".
"Mamadi Doumbouya est devenu le plus grand investisseur immobilier pendant que la population tire le diable par la queue", ironise M. Diallo.
Plus de la moitié des Guinéens (52%) vivent en dessous du seuil de pauvreté, selon les chiffres de la Banque mondiale pour 2024.
S.Janousek--TPP