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Ancien militaire décrit comme "populiste", le président sortant de Guinée-Bissau Umaro Sissoco Embalo s'affiche volontiers dans ses meetings armé d'un balai avec lequel il entend "tout nettoyer", à l'approche de la présidentielle de dimanche qu'il se dit certain de remporter "dès le premier tour".
Agé de 53 ans, il est donné comme favori à sa propre succession pour un nouveau quinquennat, malgré une victoire longtemps contestée lors du précédent scrutin en 2019, ayant débouché sur un long bras de fer avec son adversaire Domingos Simoes Pereira.
Et malgré un premier mandat plus marqué par des turbulences politiques que par des avancées majeures dans ce pays pauvre d'Afrique de l'Ouest, à l'histoire marqué par l'instabilité politique et les coups d'Etat, ratés ou réussis.
En décembre 2023, après des affrontements qualifiés de tentative de coups d'Etat, il a dissous le Parlement dominé par l'opposition et gouverne depuis par ordonnances. Ses opposants estiment que son mandat a expiré le 27 février dernier.
Ce général de réserve, spécialiste des questions de défense et géostratégiques, avait pourtant promis qu'il ne ferait qu'un seul mandat, avant de revenir sur sa parole et d'annoncer sa candidature en mars "pour le bien de ce pays".
Ancien Premier ministre (2016-2018), élu en se présentant en outsider, M. Embalo "s'est montré très habile à monter les différents partis de Guinée-Bissau les uns contre les autres", analyse le directeur adjoint du Centre d'études internationales de Lisbonne, Pedro Seabra, qui décrit une "présidence populiste".
- "Tout nettoyer" -
Comme lors de la campagne présidentielle de 2019, le président sortant a ressorti son célèbre keffieh rouge et blanc noué autour de la tête, devenu une marque de fabrique rappelant le défunt dictateur libyen Mouammar Kadhafi (1969-2011).
Pour galvaniser ses partisans, qui le surnomment "le général" bien qu'il ait quitté l'armée dans les années 1990, ce polyglotte qui parle portugais, espagnol, français, anglais et arabe, ne craint pas l'outrance verbale pour égratigner ses adversaires.
Domingos Simoes Pereira "est d'une telle laideur que toutes ses amantes l'ont abandonné pour courir derrière moi", a raillé M. Embalo lors d'un meeting.
Interrogé par l'AFP sur le balai qu'il arbore dans ses meetings, il explique: "c'est avec ce balai que je vais tout nettoyer sur mon passage".
M. Pereira, chef du PAIGC, mouvement qui a mené l'ancienne colonie portugaise à l'indépendance en 1974 avant de devenir le parti unique jusqu'à l'instauration du multipartisme en 1994, ne participera pourtant pas cette année à la présidentielle, sa candidature ayant été retoquée par la Cour suprême.
Bien que vice-président du Madem, mouvement qu'il a fondé en 2018 avec des dissidents du PAIGC, M. Embalo se présente en indépendant et affrontera onze candidats, dont l'ex-président José Mario Vaz et l'opposant Fernando Dias.
- Amateur de foot -
"Musulman marié à une chrétienne", Dinisia Reis Embalo, le président sortant se pose en "rassembleur" et critique vertement la gestion du PAIGC, son ancien parti qui a dominé la vie politique du pays.
Né dans la capitale Bissau, ce membre de l'ethnie peule, l'une des principales du pays, a fait des études de sciences sociales et de sciences politiques en Espagne et au Portugal.
Après son départ de l'armée, il se lance dans les affaires. Il a notamment été responsable pour l'Afrique de l'Ouest de la Libyan African Investment Company (Laico), un fonds d'investissement créé par le gouvernement de Mouammar Kadhafi.
Dans un récent manifeste, il décline ses ambitions pour le pays. Il promet de créer des emplois, de construire des infrastructures, de renforcer la sécurité, de développer l'agriculture.
S'il est réélu, cet amateur de foot - il est supporter du Standard de Liège, en 1e division belge -, sera le premier chef de l'Etat du pays à effectuer deux mandats successifs depuis l'instauration du multipartisme.
Avant lui, l'ex-président José Mario Vaz (2014-2020) est le seul chef de l'Etat de Guinée-Bissau élu depuis 1994 à avoir terminé son mandat.
M. Embalo affirme avoir été lui-même la cible de plusieurs tentatives de coups d’Etat depuis son accession à la présidence. Le dernier en date, fin octobre, quand l'armée a affirmé avoir déjoué une "tentative de subversion" à quelques heures de l'ouverture de la campagne.
W.Urban--TPP