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"Les +cars Macron+ n'ont pas été accompagnés des +gares Macron+.": depuis dix ans, les liaisons longue distance en bus sont un succès populaire, mais elles restent confrontées à des infrastructures obsolètes pour satisfaire les besoins des clients et permettre un développement plus important.
Un mercredi d'août à Paris-Bercy, les gens se pressent le long du quai étroit où s'alignent les bus orange et verts, entre quelques distributeurs automatiques, des bancs pleins et des toilettes publiques hors service.
Assises sur leurs valises en attendant le départ, Farah et Sofia, 29 ans, styliste et photographe, expliquent prendre le car "régulièrement pour le travail", entre Paris et Bruxelles, où elles vivent.
Si elles ont choisi cette option depuis "quatre ou cinq ans" — 4 heures de trajet contre moins d'une heure trente par le rail — c'est avant tout pour le prix du billet, "moins cher que le train".
Comme elles, 11,1 millions de passagers ont voyagé sur des lignes de car longue distance en 2024, une hausse de 14% par rapport à 2023, selon le rapport annuel de l'Autorité de régulation des transports (ART).
Un essor rendu possible par la loi du 7 août 2015, dite "loi Macron", qui a libéralisé le transport longue distance en autocar, jusqu'alors chasse gardée du rail, avec l'ambition d'en faire une solution économique pour les grands trajets.
L'objectif initial était d'atteindre cinq millions de passagers annuels, contre quelques dizaines de milliers avant la loi.
En incluant l'international, la fréquentation atteint 27 millions en 2024, pour plus de 200 destinations proposées par les deux principaux acteurs du secteur: Flixbus et BlaBlaCar Bus, qui exploitent près de 100 % des liaisons.
Parmi les trajets les plus fréquentés figurent Lille–Paris, Paris–Rouen ou Le Havre–Paris, mais aussi des liaisons transversales comme Clermont-Ferrand–Lyon, ou encore Bordeaux-Grenoble, sans passer nécessairement par la capitale contrairement au train.
- "Manque d'infrastructures" -
En dix ans, ces autocars "ont trouvé leur clientèle, ils répondent à une demande de gens qui n'avaient pas les moyens financiers ou les moyens de se déplacer", se réjouit Michel Quidort, vice-président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT).
En attendant sa correspondance dans la gare routière de Biarritz, Emilia Potdevin, une étudiante de 19 ans, explique avoir choisi le bus pour des raisons économiques mais aussi pour sa "dimension écologique": "Le fait de remplir le bus, ça limite la consommation."
Dans son rapport annuel, l'ART relève que les émissions moyennes par passager des cars sont "presque cinq fois moindres" que celles des voitures, et "proches" de celles des TER.
Michel Quidort regrette en revanche une qualité de service "plus discutable, notamment avec la quasi-inexistence de gares routières dignes de ce nom".
Les exploitants eux-mêmes tirent la sonnette d'alarme: "Ce qui freine le développement, ce n'est pas notre volonté, c'est le manque d'infrastructures", estime le directeur de BlaBlaCar Bus, Aurélien Gandois, qui déplore l'absence de "gares Macron" pour accompagner l'expansion de ce mode de transport en France.
Même constat pour Charles Billard, porte-parole de Flixbus : "Dans la loi Macron, ils ont libéralisé le voyage par autocar, mais ils n'ont pas prévu quelque chose pour accueillir ces autocars".
- "Ni abri, ni toilettes" -
La gare de Bercy, où Sofia décrit une "ambiance glauque" dans laquelle elle ne sent pas en sécurité, "surtout s'il faut passer par le parc" qui la jouxte, illustre ce constat.
Il s'agit pourtant de la plus grande gare routière de France, fréquentée par 4,7 millions de passagers chaque année.
En attendant son bus pour le Portugal, Georges Da Costa, 46 ans, estime lui l'offre de service suffisante pour ses besoins, tout en reconnaissant que "l'endroit gagnerait à être un peu plus propre".
"Le niveau d'équipement des grandes gares nationales reste en deçà des standards attendus", reconnaît l'ART dans son rapport.
Elle pointe notamment du doigt celle de Lille-Europe, pourtant sixième en 2024 en matière de fréquentation avec plus d'un million de passagers. Aucun des neuf équipements analysés (sanitaires, salle d'attente, personnel…) n'y est disponible.
"Il n'y a rien, ni abri, ni toilettes", dénonce Michel Quidort: "Juste un poteau à côté d'une immense gare" ferroviaire.
Comme l'implantation et la gestion des gares routières dépendent des autorités locales, "il y a autant de configurations que de villes et d’arrêts", souligne Charles Billard.
"On souhaite qu'à terme, dans une nouvelle loi des transports, il y ait quelque chose de plus cadré pour donner aussi les moyens aux villes", espère Aurélien Gandois.
T.Kolar--TPP